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Le plaisir sexuel de la femme africaine : entre censure et amplification pour la jouissance masculine, une étude comparative de la Côte d’Ivoire au Rwanda

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Compris par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme toutes les procédures qui impliquent l’enlèvement partiel ou complet des organes génitaux externes de la femme et/ou la blessure infligée aux organes génitaux pour des raisons culturelles ou d’autres raisons non-thérapeutiques, le terme Mutilations Génitales Féminines (MGF) a connu une modification plus récemment en « Mutilations Sexuelles Féminines (MSF) » à l’effet d’inclure toutes les pratiques ne consistant pas nécessairement en une ablation.

Tantôt comprises par les traditions et religions comme synonyme de purification, de pureté, condition nécessaire de mariage d’une jeune fille, les MSF continuent d’avoir la peau dure dans ces sociétés traditionnelles où le célibat des femmes est perçu comme un échec de vie.

Toutefois, l’on a pour habitude dans l’usage de réduire les MSF uniquement à l’excision. Or elles comprennent une diversité de pratiques que l’OMS a classifiées en quatre catégories dont la catégorie de Type IV (Ensemble de pratiques non classifiées comprenant : la piqûre, le percement ou l’incision du clitoris et / ou la lèvre ; l’étirement du clitoris et/ou de la lèvre ; la cautérisation à travers l’embrasement du clitoris et les tissus qui l’entourent ; le frottement de l’orifice vaginal ou de l’incision ; l’introduction des substances corrosives pour causer l’hémorragie ou d’herbes dans le vagin afin de renforcer ou de rétrécir le vagin).

Toutes ces pratiques traditionnelles ont en effet pour seul et unique objectif : celui de dompter les organes érectiles de la femme soit pour lui censurer son plaisir sexuel, soit pour l’amplifier, au profit de la jouissance sexuelle masculine, les deux sens compris.

Comment cela se perçoit-il donc en Côte d’Ivoire et au Rwanda ?

L’excision comme moyen d’amenuisement du plaisir sexuel féminin en pays Wè, Côte d’Ivoire

Excision

Située en Afrique de l’ouest, la Côte d’Ivoire n’est pas en marge du phénomène de l’excision dont le taux de prévalence actuel s’élève à 38 % pour les femmes âgées de 15 à 49 ans et de 10% pour les filles de 0 à 14 ans. L’enquête de démographie et de santé (EDS-MICS) conduite par les autorités ivoiriennes en 2011 et 2012 concluait que l’excision restait une pratique courante chez les femmes musulmanes (64%) et les femmes animistes (42%). Le Nord-Ouest de la Côte d’Ivoire est la région la plus concernée par le phénomène de l’excision (75% de femmes excisées) après l’Ouest, avec un taux de 57% de femmes excisées. On assiste cependant à un véritable « triangle de la résistance » particulièrement réfractaire et conservateur face à la mobilisation pour l’abandon de l’excision à l’ouest du pays notamment chez les peuples Dan et Wè (guéré).

Quoique réalisée par les femmes elles-mêmes (matrones ou exciseuses), l’excision dans cette tribu est également l’affaire des hommes qui en font une condition sine qua non au mariage de la femme ou de la jeune fille.

Origine de l’excision

Pratique sociale liée en partie à la polygamie, l’histoire raconte qu’un vieil homme, sachant que le clitoris est un organe d’excitation et facteur de jouissance, incapable de satisfaire sexuellement ses nombreuses femmes, ordonna son ablation. Pour lui, l’absence du clitoris permettra à ces dernières, de résister aussi longtemps que possible à l’envie sexuelle. Dans son entendement, cet acte résoudra la question posée par l’infidélité de la femme au foyer. La pratique de l’excision s’accentua ainsi dans les périodes troubles où l’homme, en tant que guerrier s’absente longuement du foyer conjugal. L’épouse excisée, pendant cette période, observe une trêve sexuelle (sans avoir la moindre envie sexuelle). Ainsi, reste-t-elle fidèle à son mari.[1]

Une autre version soutenue par les femmes traditionnalistes elles-mêmes sur l’origine de la pratique de l’excision, souligne que le clitoris s’allonge et grossit durant le cycle de vie de la femme. Au cours de cette métamorphose, le clitoris s’apparente à la forme et se positionne comme le pénis. De ce qui précède, dans l’entendement de ces dernières, la femme se compare à l’homme. Or, pour elles, ce qui différencie l’homme de la femme, c’est l’organe sexuel. Doit-on laisser le clitoris prendre la forme du sexe masculin ? La solution qu’elles envisagent, pour garder leur statut de femme, consiste à la suppression du clitoris.[2] 

Voilà comment le plaisir sexuel de la femme est censuré dans la société traditionnelle guéré (Wè) et dans les autres tribus du nord de la Côte d’Ivoire.

Le clitoris, véritable organe de jouissance sexuelle de la femme

Vagin

 

   Extrémité visible du clitoris
    1 : prépuce - 2 : gland 

Le clitoris (du grec κλειτορ?ς, kleitorís, dérivé de κλειτ?ς, kleitús, pente, flanc de coteau) est un organe du sexe féminin.

Sa partie visible se situe au sommet des petites lèvres, où il forme une proéminence de 7 à 10 millimètres de diamètre. Il se prolonge en profondeur par deux racines de dix centimètres qui entourent le vagin et l’urètre féminin, qui se rejoignent ainsi pour former la partie visible. Cet organe joue un rôle important dans l’excitation sexuelle et le comportement de reproduction, participant en particulier au désir sexuel et à l'orgasme. Le clitoris répond à l'excitation en se remplissant de sang, en se redressant et en durcissant, à l'image du pénis chez l'homme. 

Le capuchon qui recouvre la tige du clitoris est relié aux petites lèvres qui sont situées de part et d'autre de celui-ci et entourent l'ouverture vaginale. Durant l'excitation sexuelle, les petites lèvres se gonflent également grâce à leurs tissus érectiles.

Le clitoris comme les lèvres vaginales forment l’ensemble des zones sensitives réflexogènes dans la sexualité de la femme. Le rôle de ces zones érogènes, surface cutanées ou muqueuses réflexogènes sont de deux ordres :

- Les zones dites primaires dont l'excitation est nécessaire pour provoquer le réflexe orgasmique.

- Les zones dites secondaires dont la stimulation met en état de réceptivité optimale les zones primaires mais ne peut à elle seule déclencher le réflexe orgasmique.

Les conséquences de son ablation partielle ou totale comme c’est le cas de l’excision et/ou de l’infibulation sont de plusieurs ordres : décès par hémorragie, la douleur suraiguë choc neurogénique, lhémorragie collapsus, les plaies supplémentaires du périnée, la rétention aigue d’urines, fistules, les infections aiguës, transmission du VIH, etc.   

Read More : << Le prolapsus, une conséquence tardive de l'excision dont souffre les femmes rurales en Côte d'Ivoire >>, http://femmetoujoursauthentique.e-monsite.com/pages/les-prolapsus-une-consequence-tardive-de-l-excision-ignoree-du-grand-public-dont-souffrent-les-femmes-rurales-en-cote-d-ivoire.html

Par contre, si telle est la réalité en Côte d’Ivoire, une autre réalité consistant au contraire à développer le clitoris et/ou les lèvres vaginales de la femme en vue d’amplifier son plaisir sexuel pour une jouissance sexuelle inouïe de son mari lors des rapports sexuels est celle du Rwanda : le Gukuna (appelé Goukouna).

Quand l'homme tire son plaisir de celui de la femme : Cas du Rwanda

Le « gukuna » est une tradition secrète souvent supervisée par les « senge », mot en Kirundi et Kinyarwanda signifiant tantes paternelles. Cette pratique qui connait une renaissance depuis quelques années peut aussi se faire entre sœurs ou cousines de même âge. Un cadeau est souvent offert à celui qui t’initie techniquement à cette pratique. Cette pratique a été rejetée, combattue par certains qui la considèrent comme une masturbation donc un péché ou une perversion. Malgré cela, la pratique du « gukuna » perdure parce qu’elle est toujours considérée par certaines femmes comme une tradition favorisant à coup sûr l’orgasme et l’éjaculation féminine.

      1 1 Lèvres       

              Etirement des petites lèvres

Elle subsiste et est répandue dans la région des grands lacs et dans les pays de l’Afrique de l’Est. Il s’agit d’une série de massages intimes avec de l’huile ou le beurre de vache permettant d’étirer le clitoris et les petites lèvres. A la longue, ces petites lèvres dépassent la taille des grandes lèvres. Ce qui permet l’augmentation de la sensibilité des petites lèvres. Cette pratique permet d’avoir aussi beaucoup d’« amazi » (l’eau), l’éjaculation féminine. Et l’on peut décider d’arrêter de les étirer si la taille voulue est atteinte.

42103143 704853293206441 5878984539556703136 n a319eC’est en effet, une pratique traditionnelle consistant pour les filles, à étirer les petites lèvres  vaginales pour les rallonger. Pratique initiatique, elle se comprend comme une préparation de la jeune fille à sa vie de femme adulte et à sa sexualité dans le couple. C’est un moyen de socialisation pour les filles qui sont intégrées parmi les grandes personnes qui leur en parlent au Rwanda et dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Par le Gukuna, la fille développe ses petites lèvres qui au final débordent la fente de la vulve. Les témoignages relatent que :

«Pendant l’acte sexuel, le Gukuna procure plus de plaisir, à l’homme et à la femme. Parce que, ce ne sont pas seulement les petites lèvres qui sont rallongées, mais, aussi le clitoris. C’est ainsi que la femme jouit facilement. Comme ses longues lèvres couvrent la verge de l’homme, elle lui procure aussi plus de plaisir en même temps».

Ces petites lèvres bien rallongées  peuvent atteindre la longueur de l’index ou du majeur dans certains cas.  Un travail de longue haleine tout de même pour en arriver à ce résultat. L’étirement des petites lèvres commence avant que la fille ne puisse voir ses premières menstruations. C’est ainsi que certaines filles y sont initiées autour de l’âge de 12 ou 13 ans pour éviter qu’elles ne souffrent davantage si cela se fait à l’âge adulte.

 

« La pratique du « gukuna » perdure parce qu’elle est toujours considérée par certaines femmes comme une tradition favorisant à coup sûr l’orgasme et l’éjaculation féminine. »

Il arrivait aussi qu’un homme puisse poser des problèmes à sa belle-famille et à sa femme si elle n’a pas les petites lèvres développées, signe extérieur de maturité sexuelle.

« C’est jouissif pour moi de pouvoir mesurer l’état d’excitation ou de suivre la progression du plaisir de ma femme rien qu’en touchant son clitoris, celui-ci grossissant au fur et à mesure » 

Pour les femmes, être passé par le Gukuna augmentait les chances de rencontrer ou de plaire à un homme, d’autant plus que les hommes appréciaient les femmes au chapeau vulvaire.

Ses conséquences par contre relèvent plus de malaises vestimentaires qu’en termes d’impact négatif sur la santé...

Certaines filles ont du mal à porter des sous-vêtements en string si elles après avoir trop étiré les petites lèvres. « Si tu portes un string, il entre souvent entre les petites lèvres, les agresses et tu risques de te faire mal. Il vaut mieux adopter des sous-vêtements simples en coton. Et bien ajuster les lèvres selon leur taille. » Raconte une des leurs.

Une autre pratique sexuelle consiste également à procurer du plaisir à la femme sans pénétration : il s’agit du kunyaza.

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‘’Selon la légende véhiculée au Rwanda, il était une fois une reine dont le l’époux fut retenu au loin par des conflits incessants. Frustrée sexuellement, elle se rabattit sur l’un des gardes du palais pour s’apaiser. Craignant d’éventuelles représailles de la part du monarque époux, c’est tout apeuré que le serviteur approcha sa verge tremblante du clitoris de la reine. Ce qui provoqua une jouissance tellement puissante que des flots se répandirent et donnèrent naissance au lac Kivu. ’’

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Ce lac symbolise l’éjaculation féminine, fruit de la jouissance extrême de la femme. Le documentaire « L’eau sacrée » du réalisateur belge Olivier Jourdain l’illustre bien. Cliquez sur le lien pour regarder un extrait du documentaire : http://youtu.be/zlqCgiOMpB0 

La pratique du kunyaza consiste donc pour le partenaire masculin à se servir de sa verge pour tapoter le clitoris, les lèvres et l’orifice vaginal de la femme. Ce tapotement rythmique est fait autour de la vulve tout en décrivant des mouvements circulaires ou en zigzag.

Toutefois, l’enseignement de ces pratiques ne se fit pas sans les réticences de l’Eglise qui les assimilent à la masturbation féminine donc à un péché selon les dogmes chrétiens. En outre, beaucoup de personnes de cette culture rwandaise estiment que ces pratiques ne doivent pas être transmisses et vulgarisées.

Ainsi que ce soit pour son plaisir à la femme ou pour la censure de son plaisir, l’excision et le Gukuna font du clitoris et de l’appareil génital de la femme, une propriété de l’homme apprivoisée d’abord et avant tout pour sa convenance.  

Il convient alors de s’interroger sur le pourquoi l’appareil génital de la femme africaine est-il tant dompté pour l’homme au point de générer une totale omerta sur tout ce qui concerne son plaisir sexuel ? Pourquoi l’on s’oppose dans ces traditions, à la vulgarisation du kunyaza ? Pourquoi l’Eglise et au-delà les religions dans leur ensemble font-elles de la libération sexuelle de la femme un tabou ? 

Les réponses à ces questions feront l’objet d’étude de notre prochain article…


[1] PAGNET Doh Clément, « Rites et mythe de l’excision en pays wè, Rites de passage », Abidjan : Université de Cocody, 2012, pp.138-147.

[2] PAGNET Doh Clément, op.cit, 2012, pp.138                                                                                                                                                                     

 

Sylvia APATA,

Juriste, Activiste des droits humains,

Spécialiste en droits des femmes.

BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

 

Date de dernière mise à jour : 23/10/2023

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Commentaires

  • Sandra

    1 Sandra Le 24/08/2020

    Bonjour tout le monde. Votre article est très bien détaillé, on arrive à comprend parfaitement tout sur la sexualité femme chez la femme africaine. On trouve très peu d'articles qui en parlent aussi bien. Merci à vous.

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